vendredi 16 février 2007

Consultants... à long terme



Témoignage de Laurent, ingénieur en informatique, source : Agoravox



"Tout d’abord il est important de se rendre compte qu’aujourd’hui, les entreprises sont à la recherche permanente de la flexibilité. Ici, je ferai une petite parenthèse pour essayer de détailler le phénomène assez peu connu des consultants, en utilisant mon expérience personnelle.

Je suis ingénieur dans une entreprise de taille moyenne (2000 employés en France, pour environ 4000 dans le monde) opérant dans le domaine du développement informatique. Depuis près de quinze ans que je travaille dans cette entreprise, j’ai été frappé par le recours croissant aux « consultants ». Il est peut-être souhaitable que je rappelle ici la mission d’origine d’un consultant : les consultants sont censés permettre à une entreprise d’effectuer une tâche ponctuelle hautement spécialisée dans laquelle l’entreprise n’est pas spécialisée, et n’entend pas l’être. Par exemple, la mise en place d’un logiciel de paye informatique répond parfaitement à ce critère, l’entreprise ne peut le faire seule et n’a aucun intérêt à embaucher des personnes en CDI pour effectuer cette tâche.

Une fois le projet fini, la mission des consultants sera achevée, et ils seront affectés à une autre mission dans une autre entreprise. Le droit du travail est d’ailleurs très clair sur ce point, le contrat de consultant (signé avec une entreprise et non avec une personne) doit stipuler très clairement la mission à effectuer ainsi que sa durée. Si le renouvellement d’une mission est autorisé, il est limité, ainsi que la durée totale de la mission. Il se trouve que, dans la plupart des sociétés de haute technologie, le nombre des consultants est allé croissant au cours des dix dernières années.

Une illégalité organisée

Ces sociétés contournent en fait la loi, et dans de nombreux cas, les consultants travaillent depuis plusieurs années, en effectuant exactement la même tâche, ce qui est en contradiction totale avec la loi. Dans mon entreprise en particulier, il n’est pas rare de voir un service qui fonctionne avec 80% de consultants et 20% d’employés permanents, cette situation n’étant pas temporaire, mais clairement établie. L’entreprise sait très bien qu’elle enfreint la loi, puisque nous avons, lorsque nous établissons un contrat de consultant, obligation tacite de ne pas utiliser certains vocables dans l’établissement du contrat de mission (par exemple, le terme de support est prohibé car il réfère à un emploi a priori permanent). Dans d’autres entreprises que je connais, des dispositions précises ont été prises pour pouvoir éviter toute assimilation d’un consultant à un employé permanent (par exemple, la non-présence de la personne dans l’annuaire d’entreprise, etc.). Il est à noter qu’un consultant coûte entre 400 et 600 euros par jour, en moyenne, à l’entreprise ; ce qui est beaucoup plus cher qu’un employé permanent (pour les profils que nous employons, le coût salarial pour l’entreprise est de l’ordre de 200 euros par jour).

La flexibilité avant tout.

Ce que les entreprises achètent à ce prix-là, c’est la flexibilité : effectivement un contrat de consultant peut-être rompu du jour au lendemain sans aucun problème. Et j’ajoute que cela ne relève pas du fantasme ; après le 11 septembre 2001, le secteur aérien, auquel notre entreprise est très liée, a subi une baisse d’activité d’environ 30%, qui a perduré quelques semaines, et il a fallu plus d’un an pour retrouver le niveau d’activité d’avant les tristes évènements de New York. A la fin du mois d’octobre 2001, près de 150 contrats de consultants étaient rompus (près de 10 % de l’effectif de l’époque). A la suite de cela, l’année 2002 a été une année faste, au cours de laquelle nous avons enregistré nos bénéfices les plus élevés. Les consultants ont été utilisés, non pas pour sauver l’entreprise de la faillite (l’entreprise était assez solide pour encaisser le coup), mais pour maintenir sa marge bénéficiaire."

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