Je me bouche les oreilles, j'éteins la télé, et je vote Ségo
Par Ariane Chemin, Lemonde.fr
Ils sont électeurs, sympathisants, voire militants socialistes. Ils ne partagent pas la ferveur des meetings et ne sont pas tendres avec Ségolène Royal. Ils sont pourtant sa chance : ils constituent le socle ineffritable de la candidate socialiste. Paradoxalement, alors que Ségolène Royal mène campagne loin de la rue de Solférino, de ses dogmes et de ses caciques, ces électeurs critiques votent pour elle par discipline. Et, surtout, parce qu'ils ne se sont pas remis du choc du 21 avril 2002.
Il y a d'abord les militants qui ne l'avaient pas écartée lors de la primaire. En général, ils serrent les rangs. "Les gens votent comme des autruches : surtout, je ne regarde pas ce qui se passe et je mets mon bulletin dans l'urne", résume un élu proche de Laurent Fabius. Chez Dominique Strauss-Kahn, on traduit le phénomène dans une formule brevetée : "Normalement, chez nous, ils vont voter... les yeux fermés."
Ce vote identitaire concerne aussi les électeurs. Les mêmes mots reviennent, qui font penser à ceux employés par les rocardiens qui se résignaient à voter François Mitterrand, en 1981, ou aux communistes auxquels "le Parti" avait donné consigne de voter pour le même, en 1965. Avec, en 2007, des arguments moins... tranchés. "Ségolène Royal, ça n'est pas mon truc. Plus je l'entends parler, moins j'ai envie de voter pour elle, raconte Rémi L. Il faudrait changer beaucoup de choses. Mais je me suis fixé une ligne, le clivage existe, je vote à gauche. J'irai donc les yeux fermés jusqu'à l'isoloir. Et les oreilles bouchées, accessoirement."
Claire R. , "plutôt écolo", a voté Taubira en 2002, "oui" au référendum de 2005, et choisira Ségolène Royal "en se pinçant le nez". L'encadrement militaire pour mineurs, le drapeau tricolore à la maison, la "une" de Challenges, le 28 mars, ("Les profits sont nécessaires !") "tout ça" la gêne. "Du coup, je n'écoute pas beaucoup la campagne". Avec des amis, elle a eu l'idée de lancer une pétition : "On vote pour toi, mais tais-toi." Elle a renoncé : on aurait pu y lire une adresse machiste. "Mais que l'on soit clair : ce n'est pas parce que c'est une femme que ça me réconforte de voter par défaut."
"VIEILLE INSTITUTRICE"
Jérôme M., du service oecuménique d'entraide Cimade, est une sorte d'anar d'habitude peu soucieux de l'isoloir. Sa logique, c'est le ""tout sauf Sarkozy". Je vote utile", résume-t-il. "Je ne crois plus aux sondages. Donc je ferme les oreilles au premier tour, pour éviter d'avoir à me boucher le nez au second. Le problème, c'est qu'elle fait vraiment rien pour nous aider. A la radio, quand j'entends son mauvais Malraux, c'est quand même pas emballant."
"A gauche, voter Ségolène, c'est aussi plus simple. Une fois qu'on a choisi, les amis arrêtent de vous embêter." Il y a aussi cette militante qui déclare, après la réunion de la candidate à Nantes, le 26 mars : "Je n'irai plus à un meeting, pour ne pas être tentée de l'abandonner." Ou Sophie Aslanian, prof de français, membre du Réseau éducation sans frontières et marraine de sans-papiers, qui éteint sa télé : "Je ne peux pas supporter quand elle me parle comme une vieille institutrice." Elle aurait "aimé voter Besancenot", elle mettra un bulletin Royal dans l'urne "en serrant les fesses, à l'insu de (son) plein gré", en répétant à ses copines : "On vote pas pour elle, on vote à gauche."
1 commentaire:
ça me rappelle une certaine discussion enflammée..
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